Samedi, 23 mars, je suis allée avec mes élèves de mon Français 1 au cinéma pour
voir Thérèse Desqueyroux avec Audrey Tautou et Gilles Lelouche. Tous les deux excellents dans leurs rôles, ainsi que tous les autres
acteurs.
J’avais
lu ce roman de François Mauriac ( 1885-1970) quand j’étais jeune
et belle à l’Alliance Française. Thérèse
Desqueyroux est une parution de 1927. En 1950,
il est inclus dans la liste du Grand Prix des meilleurs romans du
demi-siècle. Après tout ce temps écoulé, je peux vous dire que mon regard n’a
pas changé. Je n’aime pas du tout Thérèse même si je comprends sa gêne, sa
frustration comme fille d’un père absent d’abord, et après comme femme de
Bernard. Mauriac s'est inspiré pour l'histoire de Thérèse Desqueyroux de celle
d'Henriette Canaby qui a été accusée en 1905 d'avoir voulu empoisonner son mari
Émile Canaby, courtier en vins bordelais alors endetté. Elle a été condamnée
pour usage de fausses ordonnances. L'accusation de tentative
d'empoisonnement rejetée, son mari témoignant en sa faveur pour sauver les
apparences de ce couple de la bourgeoisie bordelaise. Ce qui arrive dans le
film.
Dans les Landes ( Aquitaine), on arrange les mariages
pour réunir les terrains et allier les familles. Thérèse Laroque devient madame
Desqueyroux. Mais cette jeune femme aux idées avant-gardistes ne respecte pas
les conventions ancrées dans la région. Pour se libérer du destin qu'on lui impose,
elle tentera tout pour vivre pleinement sa vie. Y inclus la turpitude de l’empoisonnement
de son mari.
On
est transporté dans l'epoque et la société de 1928. Ce désolant spectacle de la
bourgeoisie provinciale, mis en scène avec une inégale inspiration, est le
dernier mis en scène par Claude Miller mort em 2012.
Si
l’on essaie de comprendre Thérèse, ( c’est ce que je fais avec vous) il
faut remonter à l’origine. Elle n’a jamais connu sa mère, morte au moment de
lui donner le jour.
Mes
amis, quand je pense à Thérèse je pense à Emma
Bovary. Roman de Gustave Flaubert paru en 1857 et où je
trouve beaucoup de coïncidences. Emma, comme Thèrèse, ne se rend pas tout de
suite compte de la médiocrité de son mari, espérant et croyant avoir trouvé le
bonheur dont elle avait toujours rêvé. Emma et Thérèse sont le contraire
des pauvres Charles et Bernard qui ne se doutent de rien, car ils croient avoir
trouvé le bonheur de leur vie. Toutes les deux
n’ont pas cette bénédiction de l’amour maternel et prennent leurs
distances des deux petites filles Berthe ( Emma) et Marie ( Thérèse ). Cela nous
montre très bien leur caractère : elles sont très égoïstes et ne pensent
qu’ à elles-mêmes. Elle ne font rien pendant toute la journée, elle pourraient
garder les enfants. Une
importante différence entre les deux:
Thérèse
se méfie de la sexualité, de l’attirance sensuelle et idéalisée pour l’autre
sexe. Elle ne croit pas au bonheur et à l’épanouissement
dans le couple. Ses études au lycée l’ont orientée vers un réalisme pessimiste
. Anne, sa belle-soeur,( avec qui elle avait de beaux liens amicaux depuis
petites), au contraire, a découvert chez les religieuses ce qu’était
l’attirance amoureuse. Thérèse
envie les élans de sa jeune amie, mais au même moment la juge futile. Thérèse, comme Emma, n’ayant pas été une épouse comblée, ne peut
se montrer une mère véritablement aimante. Leur maternité, celle de Thèrèse et
celle d’Emma, renforce leur sentiment d’être prisonnières et attise les
critiques de leur entourage.
Thérèse, comme Emma, se veut un esprit émancipé.
Contrairement aux usages de son époque et de son milieu, elle s’est cultivée.
Elle dépasse son mari en intelligence, en finesse au point d’intimider, de
décontenancer cet homme sûr de lui. En femme émancipée, elle pratique l’usage
de la cigarette. Ce comportement heurte les conventions de son milieu : elle va
contre les attitudes attendues d’une femme bien élevée, ensuite elle se
comporte dangereusement dans un environnement très inflammable ; même si elle
veille à écraser ses mégots. Attitude qu’elle a eu au début de sa relation avec
Bernard. Néanmoins, plus tard, elle rêve que c’est elle qui va mettre du feu
dans la forêt de pins !! Thérèse continue d’être une femme perdue, s’avançant
vers un destin inconnu, certes en apparence libérée des contraintes sociales de
son milieu, mais en aucun cas libérée de sa nature rebelle, impulsive et
blessée, sachant ce qu’elle ne veut pas ou ne veut plus, mais ignorant ce
qu’elle désire réellement.
Paris, la grande ville, l’attire comme le symbole de
la vie libre que mène Jean ( le jeune homme qui a fait découvrir à Anne
les vraies délices des caresses amoureuses), ville où vivent et
travaillent les intellectuels, où l’on peut consommer à la terrasse des cafés,
être anonyme dans la foule. Et alors ? Et sa fille qu’elle a laissée derrière
elle, certes bien chouchoutée par sa belle famille, mais quand même !!
C’est vrai qu’on pense comme une femme du XXIe siècle,
mais ce qui m’agace chez Thérèse, c’est sa blessante froideur, son immense
manque de sensibilité. Et
Tautou a été vraiment bien ( quelquefois je pense même que l’actrice est comme
ça…) Toutes les fois où son mari se plaint de quelque
malaise, simplement elle s’en fiche. Quand sa petite fille pleure, c’est la
même chose. Et penser à empoisonner son mari pour être enfin libre, c’est trop,
à mon avis. Au moins, Emma Bovary a décidé pour son propre suicide. Le fait est
que les deux femmes n’avaient vraiment pas à quoi penser, trop de temps libre,
dans le cas de Thèrèse trop d’argent, alors, quand on n’a pas vraiment de
choses importantes à faire, quand on fait le choix de culpabiliser l’autre pour
ses propres mésaventures, c’est signe d’un sale caractère. C’est un personnage
déconcertant et repoussant pour le moins qu'on puisse dire.
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